C’ est quoi l’amour ? (2): « Un matin »… Suivi par « Lettera amorosa »


Lunes et nuit, vous êtes un loup de velours noir, village, sur la veillée de mon amour.

René Char, « Lettera amorosa* » (Poème d’amour cosmique)

« Lettera amorosa » est un des plus beaux chants d’amour de la poésie française.

Le titre du poème  est un hommage au compositeur italien, Claudio Monteverdi…

Tu es plaisir
avec chaque vague séparée de ses suivantes.
Enfin toutes à la fois chargent.
C’est la mer qui se fonde,
qui s’invente.
Tu es plaisir,

René Char, Corail de spasmes. (Lettera amorosa, page 26)

 

Vendredi 18 octobre, 6 heures du matin:  j’ouvre les yeux, j’entends qu’il pleut…

Un matin où ma première pensée est pour toi, c’est un matin comme un autre. Comme tous les autres  quand le ciel bas nous prépare un jour aussi sombre que la nuit,  et que moi, j’ai froid que tu sois pas  là, à côté de moi. Si ce n’était pas cette irrépressible envie d’aller faire pipi, je crois que je resterais encore un peu au lit, avec cette idée fixe qu’un jour viendra, où tu seras là entre ces draps, moi dans tes bras. Des fois, je nous vois sur la plage, face à  l’océan qu’on regarde longtemps. J’ai besoin de ça pour me sentir bien. Car c’est toujours à peu près la même chose. Toujours. Il n’y a jamais rien qui change vraiment.  Ici comme ailleurs, jamais rien qui va dans le monde. Aujourd’hui encore, un enfant pleure au dessus; tous les jours même heure il pleure parce qu’il a faim. Et les parents ne se lèvent pas. Des fois je me dis que ceux-là, ils ne connaissent pas leur bonheur – bourreaux d’enfants !

Bref, un matin comme un autre; enfin presque comme tous les autres où  je change l’eau des roses avant de mettre  une croix sur le calendrier pendant que le café coule. Un matin qui me rapproche encore un peu plus de toi  Et je suis bien. Bien obligée de faire avec ces jours sans toi.

SOlène

🌹

Mon exil est enclos dans la grêle. Mon exil
monte à sa tour de patience. Pourquoi le ciel
se voûte-t-il ?

(page 43)

Cet hivernage de la pensée occupée d’un seul être que l’absence s’efforce de placer à mi-longueur du factice et du surnaturel.

(page 47)

René Char, « Lettera amorosa »

Amants qui n’êtes qu’à vous-mêmes, aux rues, aux bois et à la poésie ; couple aux prises avec tout le risque, dans l’absence, dans le retour, mais aussi dans le temps brutal ; dans ce poème il n’est question que de vous.

René Char, épigraphe de Lettera Amorosa (1953, Gallimard *)

Les vers de Letera amorosa constituent une approche de l’amour tel que le conçoit René Char. Le poète place une phrase de Claudio Monteverdi pour introduire son poème. L’épigraphe, en langue italienne, signifie « Il n’est plus une part de vous qui ne m’attache tout entier à elle par les forces invincibles de l’amour. »

« Je ne puis être et ne veux vivre que dans l’espace et dans la liberté de mon amour. Nous ne sommes pas ensemble le produit d’une capitulation, ni le motif d’une servitude plus déprimante encore. Aussi menons-nous malicieusement l’un contre l’autre une guérilla sans reproche. »

« Merci d’être sans jamais te casser, Iris, ma fleur de gravité »

(A la fin du poème)

16 réflexions sur “C’ est quoi l’amour ? (2): « Un matin »… Suivi par « Lettera amorosa »

  1. Il n’est plus une part de vous qui ne m’attache tout entier à elle par les forces invincibles de l’amour
    C’est quoi l’amour ? Écoutons avec toi René CHAR nous en parler. Il ne nous apportera pas LA réponse, mais UNE réponse.
    Je crois que je vais remettre Char sur le dessus de ma pile de livres à lire, avec quelques autres, (dont Les Ronces de Cécile COULON, acheté hier soir à ma librairie préférée=.
    Et puis écoutons MONTEVERDI (tu savais que j’adore Monteverdi ?) et sa superbe musique que tu nous offres pour bien commencer notre journée.
    Et puis, tiens, une dédicace, le lamento d’Ariane, écrit après la mort de sa femme :

    Je te souhaite une excellente journée, SOlène ☕️🎼💋🌹

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    1. « Les forces invincibles de l’amour »… l’amour est plus fort que tout, mais oui !’
      Aussi, j’aime cette conception que René Char a de l’amour. Que j’aime Char et Camus, décidément ! Tu sais, ils m’accompagnent éternellement, toujours vivants et présents… leurs écrits, leurs livres, j’y tiens comme  » à la prunelle de mes yeux » ( une expression de ma grand-mère, encore une fois).
      Et sinon, j’attendais que tu me racontes Cécile Coulon. Du coup, le déroulement de la soirée, l’Iconoquizz, les fous rires… Mathieu Palain parlant des ados qu’il décrit dans son livre, Baptiste Andréa jusqu’à la ruralité et le parcours de femme dont Cécile a parlé, je sais tout, ou presque. Tu pourras rien me cacher, pas même toi 😉
      Ah oui, tu me demandais si je savais que tu adores Monteverdi ? Pas précisément. Mais l’opéra, ça oui. Et dans l’opéra italien, je crois bien que Monteverdi occupe une des premières places. Alors, oui, c’est évident.
      Tu sais quoi ? J’ai pu voir et aller sur ton lien, et donc ecouter ce sublime morceau, tout en étant sur mon smartphone -« tu sais comment ? En arrivant par Facebook. Les mystères du Net, encore une fois.
      A plus tard, cher toi.

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      1. Je crois que Monteverdi est le premier billet que j’ai publié sur mon blog (en même temps, en tant que « père » de l’opéra, c’est un peu normal).
        Pour la soirée d’hier, je vois que tu en sais déjà plus que moi, mais bien sûr que je te raconterai.
        À plus tard, chère toi.

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        1. Tu es parti avant la fin, ou quoi ? Bon, tu étais là lorsqu’ils sont arrivés. Mais après ? En fait, moi, ce qu’en j’en sais, c’est ce j’ai lu et vu sur une trentaine de photos. Et que des « milliards » d’autres internautes peuvent lire ou voir. 😉
          J’irai fouiner dans tes premiers billets. Tu m’as filé ton virus de l’ opéra – c’est malin. Déjà Mallarmé et sa poésie, avant d’y goûter, c’était pas gagné. Rien que le bonhomme. Sauf qu’il gagne à être connu.
          A tout’e, oui.

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  2. L’amour, le grand amour qui a coulé sur tant de pages, noirci tant de cahiers … René Char l’exprime merveilleusement. Je ne sais pas pour toi mais je me demandais comment les hommes peuvent si bien écrire l’amour et le dire si peu …
    Bises affectueuses.

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    1. Eluard, Aragon, Char, entre autres l’ont merveilleusement bien exprimé. Et ressenti aussi profondément.
      Ce poème de Char, Lettora amorosa s’adresse à une femme aimée et perdue ( decedée). Il ne la nomme jamais sinon Iris, elle s’en retrouve enveloppée de mystère sublimée dans l’emotion du souvenir 11 ans plus tard
      Quand à le dire si peu, pour la plupart, c’est vrai. Mais tu sais, Cathy, il est aussi des hommes qui vont te dire des mots forts et super beaux, te promettre monts et merveille, sauf qu’ils ne sont pas à la hauteur de leurs mots et vont agir comme de verttables salauds. Et il y en a d’autres qui, au contraire, seront taiseux, ils ne te promettent rien… ils ne disent pas, ils prouvent.
      Ces immenses poètes, eux, sont des exeptions rares. Ils ont dit, écrit, prouvé, aimé une femme au dela de tout et plus fort que la mort, pour Char et Christian Bobin.
      L’amour, c’est ainsi que je le conçois. Pas autrement. Ou ce n’est pas de l’amour. C’est un arrangement entre deux personnes d’accord, qui le plus souvent, ne savent pas vivre seules, et parfois se leurrent mutuellement et se plantent tôt ou tard, forcement. Ça c’est tout ce qu’on veut ( et même ce qu’on ne veut pas), tout ! sauf de l’amour !
      L’amour entre deux êtres,et tel que ces grands poètes l’ont connu, il n’est pas donné à tout le monde, voilà ce que je crois. Mais il existe, la preuve en est.
      Gros bisous, ma chère Cathy. Grand merci du coueur pour ton commentaire. A bientôt ❤

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      1. Pour moi il n’est pas question de vivre avec quelqu’un par arrangement …Tout comme toi, comme beaucoup je crois, j’aime les amours vrais et forts, qui se disent, qui se prouvent,qui sont la véritable reliance de deux êtres. Cela existe bien sûr, trop peu souvent. Nous sommes je crois, tous trop cabossés par la vie, hommes et femmes, et nous ne voyons chez l’autre que le reflet de nos propres blessures. Et on ne nous apprends pas à aimer les êtres dans leur entièreté … Ni a s’aimer soi même d’ailleurs, ce qui devrait être la base de tout enseignement.
        Bises et à bientôt 😊

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        1. Oui comme dit Cécile Coulon:  » l’amour c’est bien, mais Noël c’est plus souvent ».
          Et sinon, je suis entierement d’accord avec toi sur le fait que nous voyons chez l’autre  » le reflet de nos propres blessures ». Pour ça qu’il est primordial de faire un travail sur soi… de panser avant toute choses… Ne pas attendre de l’autre qu’il répare le passé. Et encore moins de lui faire payet l’addition… Apprendre à être bien seul, peut-être aussi. Et bien sûr à s’aimer soi-même. Si l’on ne s’aime pas, on ne peut pas aimer les autres, non plus.
          En tout cas, j’aime ces échanges avec toi. Te l’ai dit, hein, j’ai reçu en te lisant une très très belle leçon de vie. MERCI ❤

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  3. Merci pour le partage de ce très beau chant d’amour et de poésie, Solène !!!
    Quel qu’il soit, c’est dans la durée que l’Amour est bon et beau !!!
    Bonne toute fin de soirée et bon dimanche !
    Bisous♥

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  4. Ce que je retiens c’est ce jour sans « lui » mais au final plein de Lui. Par la pensée. Par l’attente. Par ce questionnement sur l’amour. Par la lecture de ces mots magnifiques de René Char 🙂
    L’amour est enfant de bohème (oui, je sais, ce n’est pas de moi…) ce qui le rend justement si léger, capricieux et délicieusement addictif. Tous nos filets à papillons invisibles s’agitent en permanence pour le capturer. C’est le jeu de l’amour et du hasard (oui, je sais, ce n’est également pas de moi 🙂 )
    Plein de bonnes choses à toi, Solène. Je t’embrasse !

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  5. Waw, c’est joliment dit: un jour sans lui et finalement rempli de lui. Et c’est tellement cela. Je crois que c’est Proust qui, lui, parlait de l’absencee comme de la présence concentrée.
    Et oui, un jour on s’habille de l’absence de l’être aimé, puis vient cet instant tant attendu où on se deshabille de sa présence. Ben dis-donc, vla que je deviens poétesse 😉
    Plus sérieusement, j’ai trouvé que Char exprimait parfaitement ces choses-lâ, « cet hivernage de la pensée occupée d’un seul être que l’absence s’efforce de placer à mi longueur du factice et du surnaturel, »…. Moi, j’dis chapeau bas.
    Des gros bisous et une agréable soirée à toi, ma chère Dom. A très bientôt. Pas reçu de notif, mais je passerai quand même sur ton blog.

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  6. Les auteurs, les poètes l’ont si bien écrit, si bien chanté. L’amour.
    Moi j’ai aimé tes mots, ils m’ont parlé, inspiré sûrement un texte. Dans quelques heures ou quelques jours.
    L’amour je ne sais pas le dire mais je sais un peu l’écrire. L’amour ce ne sont pas que les mots c’est aussi le quotidien. Et parfois les mots et lui ne se ressemblent pas. Je crois que je préfère les actes aux promesses.
    Bien sur si on peut avoir la beauté des mots et la générosité des actes, pourquoi s’en priver!
    Très belle journée SOlène.

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    1. Surtout Marie, fais-moi signe lorsque tu auras écrit ton texte. Je me rejouis de le lire.
      Tu sais, je suis un peu comme toi En tout cas, des fois l’amour, j’ai un peu de mal à le dire, moins à l’ecrire.
      Et puis, des fois même je sais pas (pourquoi), je sais plus si… alors je m’interroge, me remets en question…. Et dans ces moment-là, la poésie et la littérature me viennent en aide. Quand la vie ne suffit pas, elles, remplissent tout le vide, les mots sont des tuteurs…. C’est aussi pour ça que j’ecris. Mais tu sais.
      Oui, l’idéal: avoir la beauté des mots et les preuves à l’appui dans la générosité des actes. Je prends ! 😉
      Toute belle soirée à toi, Marie.

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